Harmony of December {Hana}

Le regard concentré sur sa crêpe, Naomi parcourait l'une des plus grandes avenues de Shibuya, un sourire satisfait aux lèvres. Elle devait rencontrer plus tard un ami de passage dans la capitale, et en avait profité pour sécher les cours de l’après-midi.
Harajuku n’était pas vraiment son endroit préféré pour passer le temps, mais si cela convenait à son ami elle s’en satisferait.
Ce geste était une marque de l’affection extrême que Naomi pouvait porter à certaines de ces connaissances, en opposition avec son désintérêt total pour la vie de ses camarades de classe.

En vue de conserver sa place de leader, elle devait pourtant constamment rester attentive aux rumeurs et liaisons intéressantes, mais elle n’aurait jamais levé le petit doigt pour aider quelqu’un si un danger se présentait.
Ainsi était Asano Naomi, dont la personnalité tyrannique n’avait qu’empiré au fil des années.

Un de ses secrets les mieux gardés était son caractère angélique d’autrefois. La belle sorcière avait en effet été une jeune enfant attentive et agréable, il y a de cela bien des années.
La seule personne au courant de ce renversement de situation était la cousine de Naomi, avec qui cette dernière avait passé la plus claire partie de son enfance. Saïgo Hana était d’ailleurs venue s’inscrire au lycée Kyoso, mais Asano l’avait évité du mieux qu’elle pouvait.

Cette jeune fille était en effet l’incarnation d’un passé que Naomi avait conscienseusement cherché à oublier, et la rencontrer lui provoquait à chaque fois de désagréables frissons.
Pourtant, dans sa grande bonté, Naomi avait été prête à renouer les liens avec le membre de sa famille jadis si chère à son cœur.
Hana était finalement une belle jeune fille, qui ne pouvait que contribuer à l’aura royale de la danseuse. Mais la jolie cousine décida soudainement de jeter son dévolu sur Matsuda Kazuo, un coureur de jupons mignon mais totalement inintéressant. Ce garçon n’appartenait pas au rang supérieur de Naomi, et la lycéenne en arriva donc à couper tout contact avec son écervelée de cousine.



Le sucre de la crêpe se collant aux bouts de peau qui s’offraient à lui, la jeune fille prit le temps de longuement passer la langue sur ses lèvres pour se régaler une dernière fois. Un brouhaha confus lui parvint aux oreilles alors qu’elle se livrait à cet exercice gustatif, et elle se détourna vers la source du bruit. Une foule était amassée autour d’un jeune couple, et Naomi n’avait aucune idée de ce qui avait pu provoquer autant d’intérêt. Le regard curieux de la jeune fille se décomposa, alors qu’elle repérait dans la masse d’inconnue une silhouette fine et élancée. Saïgo Hana. Mais qu’est-ce qu’elle fichait là ? Naomi ne se souvenait pas que la jeune cuisinière avait l’habitude de sécher ses cours.

Prenant rapidement le temps de jeter la serviette qui entourait sa crêpe, Naomi se dirigea vers sa cousine, le regard indécis. Elle aurait eu largement le temps d’échapper à Hana si elle le souhaitait, mais l’envie de connaître la cause de ce raffut l’emportait.
S’approchant de la jeune fille sans pour autant la toucher – un contact physique était la dernière chose qu’elle aurait pu supporter – elle éclaircit doucement sa gorge :

« Cela faisait longtemps. »

Elle se tut, scrutant le visage de son interlocutrice. Elles avaient toutes les deux tellement changés, depuis tout ce temps…
Pointant le jeune couple, elle demanda :

« Que s'est-il passé ? »

Aucun sourire ne parvint à se former sur les lèvres de Naomi, mais son regard curieux restait plongé dans celui de sa compagne.

La jeune cuisinière qui semblait quelques fois débordante d'énergie et d'autres fois, en manque complet d'ambition opta pour le deuxième aspect de sa personne ce matin en se levant au bruit du cadran qu'elle détestait tant. Qui ne détestait pas ce bruit trident qui semblait toujours venir deux minutes après que l'on se soit endormi. Bon sang.
Sortant une jambe du lit, elle vint poser le bout du pied au sol, question de se remettre sur la terre ferme. Lorsqu'elle était réveillée, la mission d'Hana était de pas se rendormir. Ce matin, se fût difficile mais cette dernière réussit sa quête avec quelques bâillements et un jet d'eau passé sur le visage.

Tout récemment, elle avait été accepté à Kyoko no Gakuen. Elle avait tenu tête à toutes les participantes en cuisine et était devenu la leader. The cooking leader. Pas n'importe quoi pour une fille dont les passe-temps sont cuisiner, manger, dormir et sortir. C'était assez rigolo dans sa tête lorsqu'elle réalisait que sa cousine, sa tendre cousine Naomi, était la leader dans la section danse.
Les yeux de la jeune femme s'illuminèrent un instant, se remémorant les quelques fois où elle avait aperçu sa cousine dansait. Elle était douée, personne ne pouvait contredire ce fait.

Après avoir mangé, prit une douche et puis ensuite remanger, Hana alla vers son armoire pour prendre l'ultime décision de la journée. Quoi mettre. Elle opta pour une jupe noir qui remontait juste en haut de son nombril et une blouse blanche qui montrait plutôt bien ses atouts de femme.
En s'habillant elle se demanda si aujourd'hui elle verrait sa cousine. Ou plutôt, si cousine ne l'ignorait pas en la voyant. Jetant un oeil sur son cadran, la jeune femme lâcha un merde en voyant qu'elle serait en retard si elle ne partait pas immédiatement. S'emparant de ses choses, elle se dirigea vers la sortie.

Rendît dans le métro, Hana attendit patiemment son transport, un lecteur de musique aux oreilles. Hana détestait conduire, de ce fait, elle prenait le plus qu'elle pouvait les transports en commun. Et c'était mieux ainsi pour tout le monde, Hana conduisait très très mal. Sérieusement.
Quelque chose tira sa manche droite et elle abaissa ses écouteurs, question de regardait ce qui la tirait ainsi.

Un petit garçon. Il pleurait.

Qu'est ce qu'il y a?

Nee-chan, ma mère et moi voulions allez ici. dit-il en pointant la carte montrant la station Harajuku.
Seulement elle est rentré dans le train et moi... Je me suis égaré.

Hana grimaça en ayant un petit air désolé au visage. La situation l'agaçait et la peinait en même temps. Elle soupira. Plutôt que de donner la responsabilité à un quelconque inconnu qui se serait peut-être enfui avec le petit être, Hana prit l'enfant par la main, l'amenant à Harajuku. Au diable les cours. Le trajet se fit facilement, rendit à Harajuku elle vit toute suite qui était la mère en voyant une femme âgée pleurait en tendant les bras vers le jeune garçon qui courût immédiatement vers la femme. Des remerciements s'en suivirent et la dame voulût même donner un peu d'argent à Hana question de la remercier. Cette dernière ne pût s'empêcher de lâchait un rire suivit d'un.
Ce n'est pas nécessaire.

La deuxième mission accomplit de la journée après celle de se lever, Hana alla s'asseoir, endormie. Les cours avaient déjà commencés depuis longtemps. Tant pis. Autre option: Allez observer les Otakus.
Observons. se dit-elle à elle-même en se dirigeant vers la sortie du métro, un sourire imbécile au visage.

Elle fît quelques rues, toujours aussi souriante en voyant des fiers patriotes de Dance Dance Revolution ou bien des déguisements farfelues comme dans les livres.
Elle s'arrêta pour manger quelque part et une fois l'estomac rempli... ou presque, elle s'arrêta pour regarder une vitrine.
Quelqu'un lui tapa l'épaule et elle se retourna lentement. Cette fois-ci c'était trois jeunes hommes. Tous plus Otaku les uns que les autres. Elle fît un sourire polie.

Hum... On se demandait si vous voudriez bien prendre des photos avec nous pour notre album souvenir.

Hana leva un sourcil. C'était limite une demande perverse. Leur album souvenir. Pitié.

On est prêt à vous payer pour cela demoiselle, vous êtes tellement belle.

Mais qu'est ce qu'ils ont a tous vouloir me donner de l'argent aujourd'hui. se dit-elle tout bas, agacée.

Hana sourit, gênée. C'était tellement inoffensif, elle avait devant elle trois jeunes hommes dont leur cerveau ne s'était pas encore développé. Des petits naïfs en quête d'attraction. Des Otakus. Pourtant aujourd'hui Hana ne ressemblait en rien à un personnage fictif.
Elle se replaça une mèche avant de rire et de finalement accepter la requête. C'était plus comique qu'autre chose.

Un shooting photo s'en suivit qui dura une dizaine de minutes environ. Hana fesait la folle et cela ne faisait qu'amusait les gens autour d'elle qui ne cessait de se multiplier voulant voir la prétendu beauté de la demoiselle qui posait avec des jeunes Otakus en pleine extase.

Soudain, Hana entendit une voix familière ou plutôt, la voix. Elle se retourna vers la voix, découvrant sa cousine. Son visage changea d'expression. La bouche entre-ouverte, elle regarda Naomi, les yeux pétillants. À cet instant même, elle aurait pu se mettre à pleurer mais cela aurait fait beaucoup trop enfantin et les deux jeunes femmes n'étaient plus dans un bac à sable.

Je..

Elle interrompit le shooting photo brusquement, s'emparant de la main de la jeune femme et se dirigeant vers un endroit plus calme. Elle lâcha prise une fois atterit dans un endroit beaucoup plus calme.
Ne portant aucune attention au fait que Naomi n'y comprendrait rien, Hana sortit son épopée de ce matin avec quelques mots.

Un enfant s'est perdu, je l'ai ramené et ensuite je me suis fait prendre en photo.

Elle prit son souffle avant de demander.

Et toi, tu n'es pas à l'école?

Elle était soudainement inquiète que sa cousine n'allait pas vraiment à Kyoko, elle voulait s'en assurer.

Naomi, le visage impassible, observait sa cousine.
Sa seule envie du moment était de connaître la cause de la foule agroupée autour de Hana, pour disparaître quelques minutes après. Pourtant la jeune cuisinière ne semblait pas être de cet avis, et l’entraîna sans crier gare par la main pour l’emmener plus loin.

Naomi suivit le mouvement, un brin décontenancée. Sa compagne ne semblait pas avoir perdu son entrain d’autrefois : toujours en mouvement, prête à parler et rattraper le temps perdu.
Ce n’était clairement pas l’état d’esprit de Naomi, et cette dernière se demandait si Hana se rendait compte de l’écart qui avait grandi entre leurs deux personnalités opposées.

La lycéenne jaugea du regard la tenue de sa cousine, et les commissures de ses lèvres ne purent dissimuler un léger sourire approbateur. Pourtant son regard ne trahit pas la moindre affection, et elle écouta sans interrompre la jeune fille lui parler de ses aventures du jour.
Un enfant perdu, des photos prises de Hana… Les deux événements paraissaient différents, mais semblaient liés par une suite logique dans la phrase de la jeune lycéenne. Naomi écouta sans broncher, prenant la peine de hocher doucement de la tête, signifiant qu’elle avait compris.
Pourtant la vérité était bien différente.

Elle ne comprenait pas sa cousine. Que ce soit pour une histoire d’enfant perdus, de choix sentimentaux ou de conduite dans la vie, elle ne comprenait pas sa cousine. Cela avait été le cas depuis des années, et ne montrait aucun signe de changement.
Il était réellement étonnant que Hana se soit inscrite à Kyoso. Avait-elle dans l’idée de renouer avec Naomi ? Cette dernière n’en savait absolument rien, mais elle n’aurait jamais eu l’humilité de poser une telle question.

Restant silencieuse, elle observa les expressions du visage de sa compagne. On pouvait y lire toutes ses émotions, et elles reflétaient chacune de ses paroles ou demandes. C’était tout l’inverse de Naomi, qui revêtait la plus part du temps un sourire hypocrite ou charmeur, mais jamais ô jamais ne montrait son vrai visage.
Remettant une mèche de cheveux en place, elle finit par répondre sur un ton lassé :

« Je ne suis pas à l’école non. J’ai pris tout comme toi la liberté de sécher les cours. »

Débarrassant son long manteau d’invisibles poussières, Naomi prit le temps d’ajouter :

« J’ai appris pour ton nouveau rôle de leader. Félicitations. »

Elle plongea son regard dans celui de Hana, soupirant légèrement.
Voilà. Elles avaient parlé. Elles avaient échangées les salutations d’usage. Peut être le moment de se quitter était venu, n’est-ce pas ?


Pourtant deux grandes silhouettes inconnues s’approchèrent de sa cousine, des sourires ignares collés aux lèvres. Naomi observa les jeunes hommes – clairement des otakus – demander à Hana de reprendre quelques photos avec elle.
Cette situation alerta Naomi. Après Kazuo, voilà que sa cousine traînait avec des déjantés anormaux ? Cela devenait vraiment inquiétant, et la lycéenne commençait à se demander si une discussion sérieuse avec Hana ne s’imposait pas.

Ce fut l’esprit troublé par ces questionnements que Naomi se fit adressée par un des deux parasites.

« Vous pourriez poser avec elle, dites moi ? »

Naomi le dévisagea, le regard insulté. Mais pour qui la prenait-ils ? Pour une lycéenne bas de gamme qui n’aie pas de honte à s’afficher avec eux ?

Il était bien entendu hors de question de les insulter ouvertement. Hana et elle se trouvait actuellement en plein cœur de Harajuku, réputé entre autre pour sa forte densité d’otakus. Elle était donc réduite à faire comprendre par ultra-sons à l’idiot de service que si il osait lui adresser à nouveau la parole, elle le détruirait sur place.
Se tournant vers Hana, elle murmura :

« As-tu sérieusement accepté de poser pour des gars pareils ? »

Hana avala sa salive suite à la réponse de sa cousine en abordant un sourire forcé. La jeune femme était loin d'être une petite fille sage qui bronchait au moindre égard de comportement mais la réponse de sa cousine avec le ton qu'il l'avait accompagné avait rappelé à Hana que sa cousine avait changé. Hana préférait envisageait le pire des pires en se disant qu'elle était devenue une tout autre personne. Au fond elle n'avait peut-être pas si tord...

C'était le premier contact entre les deux jeunes femmes depuis belle lurette mais Hana avait eût vent du comportement de Naomi et de ses coups de théâtre en ce qui concerne sa prétendue grossesse.

Tous ses questionnements disparurent quand Naomi la félicita de son rôle de leader. Hana fît un sourire en coin avant de répondre automatiquement.

Tu ne donnes pas ta place. Bravo.

Hana avait toujours été fasciné par la danse de Naomi. Elle l'avait regardé danser du coin de l'oeil sans cesse en ne jamais avoir voulu avouer sa fascination. Mais rendît à son âge et son expérience de vie, Hana était maintenant assez mâture pour démontrer et faire part du sentiment qu'elle avait envers la passion de sa cousine. Seulement aujourd'hui ne semblait pas le meilleur jour. Les retrouvailles.

Sans crier gare, les deux jeunes Otakus revinrent à la charge, le visage emplit de joie comme jamais. Ils avaient une idée en tête, elle en était certaine. Hana soupira suite à la demande de ces derniers. Elle échappa ensuite un rire, étourdie par le monde d'Harajuku.
Son expression changea immédiatement en se tournant vers sa cousine et en observant son expression facial. Oh ho. Une corde sensible avait peut-être été touché dans le petit système de Naomi.

Le doute d'Hana se confirma lorsque sa cousine lui demande si elle avait vraiment posé avec ces inconnus. Hana se pencha vers sa cousine, légèrement gênée.
J'ai bien peur que oui. dit-elle, à basse voix question de ne pas insulter les garçons qui semblaient déjà en manque total de confiance.

En manque de confiance mais pas en manque de folie. Parce qu'en effet, il fallait être fou pour venir faire une requête aussi risqué à Naomi. Pourtant il n'était pas difficile de remarquer l'aura rouge qui flottait autour de sa cousine indiquant de ne pas s'approcher de trop près.
La cuisinière soupira en regardant les jeunes hommes.

Bon. Essayons un compromis se dit-elle, voulant plaire à tout le monde comme d'habitude et contre son grès.
Toujours près de l'oreille de sa cousine, la jeune femme ajouta, presque silencieuse.

Si tu acceptes, on va manger quelque part ensuite et c'est moi qui invite.
Rien qu'un petit cliché. rajouta-t-elle, avec un sourire imbécile au visage.

Oubliant totalement qu'elle avait mangé il y avait de cela moins d'une heure, Hana était toujours partante pour aller se faire une bonne bouffe. Reste à voire si l'offre allait plaire à Naomi.

Naomi observait sa cousine, légèrement alarmée. Cette dernière ne semblait pas être catastrophée à l’idée d’avoir posé pour de vulgaires otakus, et cela inquiétait terriblement la jeune danseuse.
Où était passé le sens des réalités de Hana ? Comment pensait-elle garder une place de leadeur populaire si elle agissait de manière aussi désinvolte ?

Mais voulait-elle réellement conserver à tout prix une popularité sans faille ?
Naomi et Hana avaient depuis longtemps coupé leurs liens, et il était difficile à la danseuse de bien cerner la nouvelle personnalité de sa cousine.

Naomi aurait pu totalement se désintéresser de la venue de son ancienne amie de cœur dans son lycée, mais l’idée de forger un duo étincelant et charismatique l’en avait empêchée. La venue de Kazuo avait ensuite achevé de contrecarrer son plan si parfait…

La jeune fille observa avec un regard mi-sérieux mi-attristé sa jolie cousine. Il était nécessaire de réessayer une nouvelle fois son projet, et espérer que Hana ait mûri et donc changé d'avis.

« Une seule photo dans ce cas. »

Le revirement de situation surprit les jeunes photographes en herbe, mais ils s’en satisfirent immédiatement et entreprirent de donner des indications aux deux lycéennes pour prendre une pose convenable.
Naomi réprima un soupir. Voilà qu’elle se faisait commander par deux ignares… heureusement qu’aucun autre élève du lycée n’était présent pour voir ça.

Remettant son sac sur l’épaule, elle prit Hana par les épaules et esquissa un sourire à la caméra.

FLASH

Et voilà les deux cousines imprimées sur la pellicule, un sourire franc et chaleureux partagé par deux anciennes compagnes d’enfance.

Le résultat satisfit Naomi, qui donna son e-mail aux deux inconnus pour récupérer plus tard la photographie.
Le regard adouci, la jeune fille attrapa le bras de Hana pour l’emmener près d’un vendeur ambulant.

« Je vais prendre un café au lait, s’il vous plaît. »

Elle se tourna vers sa cousine, un pincement au cœur. Cette dernière ne connaissait rien de ses habitudes : sa manie de prendre cinq cafés par jour, son besoin vital de danser pendant des heures, les musiques qu’elle écoutait vingt fois par jour, le prénom de son premier amour…

Pour la première fois, Naomi regretta d’avoir grandi si loin de sa cousine, sans avoir pu partager leur secrets d’adolescentes.
*Mais il y a une première fois à tout*, se murmura intérieurement la lycéenne.

« Je… J’aime prendre du café. J’en bois tout le temps. »

Elle avait déblatéré cette phrase en évitant le regard de sa compagne, le ton hésitant. Il lui était tellement rare de faire le premier pas vers quelqu’un qu’elle avait oublié les règles de ce jeu.
Elle ne sentait à vrai dire pas à l’aise, et détestait cela.


Puis la raison de ce rapprochement lui revint, et elle plongea son regard dans celui de sa cousine, le ton redevenu sérieux :

« Hana… es-tu toujours attirée par Matsuda Kazuo ? »

Calculant ses mots elle ajouta :

« Je ne suis pas sûre qu’il soit l’homme qui te convient. »

Naomi se tut, observant avec intérêt les réactions de Hana.

Hana fit un grand sourire accompagné d'un léger rire suite à la réponse de Naomi. Elle avait acceptée. Un miracle s'était produit parmi nous.
Le cliché prit, Hana salua les espèces étrangères et disparue, attirée par l'emprise de Naomi qui se dirigea vers un vendeur de café. Elle se tourna vers sa cousine, curieuse, et ajouta.
Tu m'enverras le cliché.

La jeune femme savait très bien que Naomi trouverait son courriel électronique avec tous ses contacts si elle ne l'avait pas déjà. Cette dernière fit sa commande. Le vendeur se tourna ensuite vers Hana, elle fit signe qu'elle ne prendrait rien. De la caféine pour Hana. Mauvaise idée. Un souvenir lointain refit surface. Hana sur son bureau de travail, décidée à prendre quelques tasses de café pour endurer toute la nuit en raison de l'examen d'anglais le lendemain. Résultat, elle avait passé plus de temps à courir dans sa chambre et à rire toute seule qu'à étudier ses leçons.
Son expression amusée d'imbécile se figea lorsque Naomi lui fit part de sa passion pour le café.

Hana resta muette, regardant sa cousine avec un sourire chaleureux au visage. Elle s'en rappellerait.
Pour la première fois depuis un moment, Hana sentait sa cousine fragile. Et tout cela rien qu'en abordant quelque chose qu'elle l'aimait.

Naomi ne tarda pas à surprendre Hana de nouveau en lui demandant si elle était vraiment intéressée par Matsuda Kazuo. La cuisinière grimaça. Elle ne s'attendait pas à un questionnement sur les garçons ce matin. Et certainement pas de la part de Naomi.
Kazuo, cela faisait un moment que les pensées de la jeune femme n'avait pas été envers le jeune garçon. Qu'est ce qui liait ces deux étrangers? Rien du tout se dit Hana.

Comparativement à sa cousine, Hana n'avait pas opté pour engager une relation purement physique avec le jeune homme qui lui tapait dans l'oeil depuis un moment. D'ailleurs ce n'était que ça. Hana le trouvait charmant. Irrésistible pour tout dire. Les conversations avaient été peu nombreuses et c'est pour cela que la jeune femme se retint d'avoir des idées folles de lycéennes sur une histoire d'amour impossible. Elle voulait apprendre à le connaître.
Les joues d'Hana devinrent soudainement rouge quand elle réalisa qu'elle était attirée magnétiquement par Kazuo sans même savoir sa couleur préférée ni rien.

Hum. L'homme qui me convient...
Je crois que pour le moment présent, on ne peut pas débattre sur l'homme qui nous conviendrait à toutes les deux.

Hana n'osa pas s'aventurer dans la sujet Akira avec sa cousine. Elle désapprouvait ses choix amoureux mais en débattrait plus tard, lorsqu'elle connaîtrait mieux son sujet.
Elle laissa échapper un soupir, abandonnant son attitude décontractée devant la personne qu'elle connaissait depuis maintenant 18 ans.

Naomi je veux... Je veux qu'on reprennent contact toutes les deux.
Peut importe les opinions opposées de la famille.

Je veux réapprendre à te connaître. ajouta-t-elle pour conclure sa petite montée d'émotions.

Hana s'était toujours sentie protectrice envers certaine personnes mais jamais ainsi. C'était seulement avec Naomi. Elle était loin de vouloir jouer le rôle de l'inspectrice qui observerait les moindre mouvements de la jeune femme mais elle voulait faire partit de ce qu'elle avait manqué pendant des années.

Naomi, le regard attentif aux réactions faciales de sa compagne, observa les jours empourprées de Hana avec une mine désapprobatrice. Ainsi la jeune cuisinière était toujours attirée par le fameux Kazuo…
Naomi soupira légèrement, s’adossant contre un muret de pierre. Elle ne savait pas comment dialoguer avec Hana pour lui faire comprendre ce qui régissait désormais sa vie, et se demandait si elle en serait jamais capable.

La jeune fille lui glissa qu’elles n’étaient ni l’une ni l’autre en position de convenir sur l’homme qui leur convenait, et Naomi observa avec un intérêt soudain le sucre se dissoudre dans son café. Elle ne ressentait jamais de honte sur ses choix sentimentaux, mais n’appréciait pas vraiment les allusions de sa compagne.
Le regard fixé sur son gobelet brulant, elle écouta la suite des paroles de sa cousine avec une surprise non dissimulée.


Hana ne s’embarrassait jamais de discours inutiles, et elle alla comme toujours directement au cœur du sujet. Reprendre contact… C’est ce qu’elles faisaient à l’instant même.
Naomi devait pourtant s’avouer qu’elle attendait la fin de cette rencontre imprévue pour reprendre le cours de sa vie et effacer une nouvelle fois de son quotidien la présence de sa cousine.

Continuant d’observer sa tasse de café décidément si passionnante, elle répondit du bout des lèvres :

« Nous avons beaucoup changé au cours de ces dernières années. Il est difficile à ce jour d’imaginer qu’on puisse reprendre notre relation passée. »

Se mordillant la joue intérieure, Naomi jeta un regard vers Hana pour s’assurer que cette dernière ne prenne pas trop difficilement les dernières nouvelles.
Elle s’imagina un instant pouvoir parler à cœur ouvert à son ancienne amie. Evidemment, l’image était plaisante. Tomiko était la seule élève du lycée que Naomi pouvait considérer comme une compagne très proche, mais les deux jeunes filles passaient leur temps à s’amuser du malheur des autres sans se raconter leur vie intime et personnelle. Naomi était finalement assez seule, mais cela était la vie qu’elle avait choisi. Se livrer à quelqu’un d’autre – comme elle pouvait le faire étant petite – lui semblait un comportement étranger à sa personnalité de maintenant.

Le fait de blesser sa cousine était pourtant ce que voulait éviter Naomi, et la jeune danseuse ajouta sur un ton sérieux :

« Je suis là si tu as besoin de moi. Mais… oublie cette idée de retrouver la petite fille qui passait tout son temps avec toi… »

Plongeant son regard dans celui de sa compagne, elle conclut avec une mine déterminée :

« … Car cette petite fille a disparu. »

Elle choisit de finir d’un trait sa boisson, pour éviter le lourd silence qui menaçait de peser après cette déclaration.


Un éclair déchira soudainement le ciel, et Naomi sursauta, surprise. Visiblement le café continuait de lui mettre les nerfs à fleur de peau… Un coup de tonnerre accompagna bientôt le début d'orage menaçant, et Naomi grimaça devant cette scène imprévue.
Elle avait prévu de passer l’après-midi avec son ami à parcourir les rues ensoleillées, et n’avait pas compté sur ce changement de météo subit.
Une légère sonnerie étouffée se fit entendre, et Naomi récupéra rapidement son portable pour lire son nouveau message.

Dsl. Today pas possible. On se voit demain ? xxx

Elle ne put réprimer un soupir devant cette nouvelle.
Son rendez-vous était soudainement annulé, et elle se retrouvait donc face à sa cousine dans un quartier désagréable, sous un ciel qui annonçait clairement une pluie battante.

La lycéenne remit distraitement son sac sur son épaule et ajouta :

« Je vais y aller… Je suppose que tu retournes en cours ? »

Naomi se remit une mèche de cheveux en place, la mine détachée.

Hana écouta les déclarations de sa ravissante cousine, analysant tout cela dans sa tête. À un certain moment elle fût agacée de la non-ouverture de Naomi face à son désir de vouloir reprendre contact, sérieusement. Parler était loin de satisfaire la jeune femme. Elle voulait plus. La cuisinière frissona à cette pensée. Cela l'amusait drôlement que desfois elle pouvait paraître obssessive envers sa cousine. Elle se calma un peu, regardant cette fois-ci Naomi dans les yeux.
La japonaise savait très bien que la demoiselle de sa parenté ne redeviendrait pas la petite Naomi aux boucles roses sur les vêtements. Pourtant, Hana espérait au plus profond d'elle-même, que cette dernière sortirait de son monde de solitude minutieusement cadenassée par son attitude de parfaite bitch et qu'elle s'ouvrivrait à Hana pour laisse entrer un peu de... douceur.

La cuistot qu'était Hana avait considéré Naomi comme sa petite sœur et non comme sa cousine. Elle avait envie de prendre soin d'elle. C'était une sorte de désir maternelle qu'Hana avait en elle et qu'elle ne pouvait pas expliquer.

Après les tentatives de Naomi afin de lui expliquer son point de vue, Hana détourna le regard, le temps de réfléchir un peu. La première chose qui lui vint en tête fût LA question: Naomi changerait-elle un jour? En abordant un léger sourire, Hana se dit qu'elle en avait aucune idée mais qu'elle adorait les défis.

Je ne veux pas retourner jouer au ballon avec toi Naomi, les voyages temporels ne m'intéressent pas.

Ne sachant pas comment terminer son idée, elle lança tout simplement, un air timide au visage.

Je veux simplement réapprendre à te connaître.

Hana sursauta doucement au son du tonnerre qui la prit par surprise. De l'orage? Elle ne se rappelait pas que la météo avait annoncé de la pluie quelconque. Elle porta son visage au ciel. C'était atroce. Elle cru même recevoir de petites gouttelettes sur le visage ou bien ce n'était que son imagination qui s'emportait trop vite.
Un bruit électronique la fit sortir de ses scénarios. Elle observa sa cousine lire quelque chose sur son portable.
Hana, commença soudainement à fouiller dans son sac à la recherche de sa bouée de sauvetage concernant la situation.

Ne se préoccupant pas de ce que sa cousine lui dit, elle ne répliqua rien suite à la question de Naomi, la laissa dans le doute pendant quelques minutes. Hana avait toujours été bordélique. Puis ensuite, une goutte, deux gouttes, ect
La pluie tomba aussi rapidement que possible sans avoir donner un temps approprié aux jeunes femmes de se mettre à l'abri. Sous un réflexe protecteur, Hana sortit enfin son objet magique de son sac. Elle ouvrit son parapluie et tenda le bras vers Naomi, question de la couvrir avec son avec. Elle étira le bras vers elle, ne se couvrant pas soi-même des vagues qui leur tombaient sur la tête.

Tant qu'à manquer le début de mes cours, je vais les manquer entièrement. Je vais te reconduire.

Hana fit un énorme sourire, en plissant les yeux dût à la pluie, attendant un quelconque signe d'approbation de la part de Naomi, sa cousine retrouvée.

Naomi, un café brulant lui réchauffant les paumes rougies, attendait avec une anticipation inquiète les réactions de sa cousine.
Que devait-elle faire si Hana décidait de piquer une crise en pleine rue ? Ou bien de fondre en larmes soudainement ?
Naomi n’avait aucune idée de comment sa compagne prendrait la nouvelle comme quoi la danseuse ne voyait pas d’avenir à leur relation.

Hana l’avait tout simplement prise de court en lui demandant de but en blanc de reprendre contact. C’était si direct, si franc… deux qualités qui n’existaient absolument pas dans l’univers de Naomi. Hana ne pouvait-elle pas être hypocrite et mielleuse comme tant d’autres ? Naomi aurait eu beaucoup plus de facilités pour communiquer avec elle dans ces conditions.
Mais non, Hana était restée la personne honnête et vraie qu’elle était plus jeune. C’en était exaspérant…


Mais une qualité de Hana que Naomi avait oublié, c’était d’être surprenante. Elle pouvait passer d’un moment plus ou moins émotif à une blague inattendue. C’était d’ailleurs ce qui venait de se passer.
Alors que Naomi observait avec curiosité les expressions de son interlocutrice, cette dernière se mit à lui déclarer que les voyages temporels ne l’intéressaient pas. Naomi en aurait presque rit, mais ce n’était clairement pas la réaction appropriée et la danseuse réprima tout signe d’amusement.
Elle attendit tout simplement la conclusion de Hana, qui revint soudainement dans le registre mélodramatique pour souligner qu’elle voulait réapprendre à la connaître. Naomi déglutit difficilement à la nouvelle. Hana revenait donc à la charge.
Aussi têtue l’une que l’autre… c’était mal parti.


La météo se chargea de répondre à la place de Naomi. Un coup de tonnerre fit sursauter les jeunes filles, qui regardèrent le ciel avec inquiétude.
Un message fit sortir Naomi de sa rêverie, et elle apprit avec une mine déçue que son plan ‘retrouvailles’ de l’après-midi était annulé. Remettant rapidement son sac sur l'épaule, elle demanda à Hana si celle-ci retournait au lycée, et se préparait mentalement à rentrer sous une pluie qui se promettait dense et glacée.

Aucune réponse ne lui parvint, et Naomi observa sa cousine avec un agacement lisible sur son visage. Hana farfouillait dans son sac sans parvenir à trouver ce qu’elle cherchait. Une situation habituelle pour les femmes modernes, il fallait l’avouer.
Des gouttes cinglantes se mirent à tomber sur le duo improbable, et Naomi soupira en fermant les yeux. Voilà une belle après-midi de gâché… c’en était rageant.

Pourtant les gouttes s’arrêtèrent soudainement de tomber en rafales cinglantes sur Naomi, et la lycéenne rouvrit les yeux, surprise, pour observer sa cousine lui tenir un parapluie protecteur au dessus de sa personne, sans elle-même s’en couvrir.
La scène toucha la danseuse plus qu’elle ne l’aurait cru, et elle écouta Hana lui annoncer qu’elle la reconduirait avec un vague sourire aux lèvres.

Elle ne comprendrait sûrement jamais comment fonctionnait cette étrange personne qui était sa cousine, mais pour le moment présent elle s’en fichait. Faisant mentalement une trêve avec Hana, elle lui prit le parapluie des mains et les couvrit ensemble du plastique salvateur.

« Je n’ai aucune idée d’où se trouve la station de métro dans ce quartier... »

Pouvoir admettre une difficulté ou une ignorance sans craindre une baisse de popularité ou de nouvelles rumeurs déplaisantes était sans conteste agréable. Mais Naomi n’était pas prête de se laisser reconquérir pour autant.
Elle tenait à ses distinctions entre camarades – appelés communément larbins – du lycée Kyoso, et entre ses amis de l’extérieur.
Hana ne rentrait dans aucune des deux cases, et restait à flotter au milieu, dans une catégorie ‘famille’ encore absente du cœur de la jeune danseuse. Il ne tenait qu’à Naomi de lui faire une place. En aurait-elle la volonté un jour ? Rien n’était plus sûr…


Observant de vagues silhouettes trempées au loin, Naomi eut une expression trahissant sa surprise comme son dégoût :

« Ne s’arrêteront donc t-ils jamais ?? »


Les otakus photographes en herbe étaient visiblement à la recherche de leur nouveau model inconnu, et souriaient aux deux cousines avec une mine ignare. C’en était trop pour Naomi, qui changea brutalement de direction et s’engouffra avec Hana dans une ruelle plus calme.
La jeune fille observa avec un regard inquiet la pluie devenir plus forte et dense, et un vent glacé se lever. Il leur faudrait bientôt s'abriter si elles ne voulaient pas devenir deux poulpes dégoulinants, avec ou sans l'aide du parapluie.