Leçon de conduite {PV Matsue}

Il était neuf heures lorsque Ryutaro émergea enfin de sa longue nuit. Il regarda longuement ses colocataires encore endormi et s'étira bruyamment histoire de réveiller. Ces deux grosses larves semblaient préférer passer du temps sous leur couette que sur le terrain d'entrainement. « Pauvres types » lâcha-t-il en ne détectant aucune réaction de leur part. « Faut pas s'étonner si on perd les compets'. On comprend mieux pourquoi on est toujours en bas du podium quand on voit ça. » Tout juste sorti de son lit, il s'empara de son téléphone portable et saisit un message qu'il envoya aussitôt à sa complice : « Onze heures à la laverie, je t'expliquerai mon plan là bas. » Il attendit alors quelques secondes le temps de s'assurer que le message avait bien été envoyé et fila sous la douche, des affaires propres à son bras.

Le ventre plein et propre sur lui, Ryutaro prit le chemin de la laverie avec un sac de linge plus ou moins sale. S'il voulait faire réaliste, mieux vallait arriver là bas avec deux ou trois tee-shirts à laver. En entrant, il remarqua avec plaisir que sa cible était au rendez-vous. Cependant, Tomiko elle n'avait toujours pas l'air d'être là. *C'est toujours pareil avec les filles, elles sont jamais à l'heure* pensa-t-il en regardant sa montre qui affichait onze heures cinq. Heureusement, elle fit son entrée dans la laverie dans la minute qui suivit et l'air de rien, se plaça aux côtés de Ryutaro qui remplissait la machine à laver de détachant, trop occupé à penser à autre chose. « Hey.. Excuses moi j'aurais préféré te prévenir autrement que par SMS, mais j'avais totalement zappé que c'était aujourd'hui. » Pas de bonjour ni de marques affectives, tous les deux n'avaient pas l'habitude de se montrer très proches, et encore moins lorsqu'ils étaient en « mission ». Il reprit : « Tu vois le gars derrière nous ? C'est le pigeon parfait. » Il marqua une pause et tourna discrètement la tête vers sa cible. « Regarde le. Il a la tête du type même qui mérite des baffes. Une petite leçon lui fera pas de mal. »

Murakami Tomiko était quelqu'un qu'il affectionnait tout particulièrement. Depuis qu'il la connaissait, Ryutaro se sentait plus vivant. Elle était ce petit plus qui manquait à sa vie et remplissait parfaitement le rôle de l'amie qu'il avait longtemps cherché. Ensemble, ils faisaient les 400 coups et n'hésitaient pas à semer la pagaille partout où il passaient. C'était leur façon à eux de se sentir libres et pleinement vivants. Bien sûr, cette « façon de vivre » ne plaisait pas à tout le monde, et c'était très bien comme ça, parce qu'ils n'avaient rien trouvé de mieux pour en faire baver la terre entière.

« Il est là tous les dimanches à la même heure. C'est sans doute le meilleur endroit où on pourrait le coincer » dit-il avec un air machiavélique.

Utiliser ses poings en guise de réponse à tout n'était pas le genre de Ryutaro qui, sous ses allures de grand méchant loup, était quelqu'un de calme et de réfléchi. Lorsqu’il contrataquait, il utilisait généralement les mots qui, selon lui, faisaient bien plus mal qu’une main dans la figure. Parfois même, son regard à lui tout seul faisait parfaitement l’affaire. On lui avait souvent répété dans sa jeunesse que son regard était noir et par-dessus tout méchant, mais c'était certainement l'une des choses dont il était le plus fier.

En ce qui concernait sa cible du jour, Ryutaro n'avait pas d'idée précise en tête. Dans un endroit comme celui-ci, difficile de commettre le crime parfait sans être vu, à moins de prendre le jeune Matsue et de le faire tourner dans une des nombreuses machines à laver pendant des heures. Après tout, un bon lavage à froid lui aurait pas fait de mal. Après quelques secondes de réflexion, il abandonna l'idée de la machine à laver. *Une petite humiliation et il n'osera plus jamais me regarder dans les yeux. Et puis si son ego peut en prendre un coup par la même occasion, ce sera pas plus mal* pensa-t-il en esquissant un sourire. Depuis qu'il était à Kyôgaku, Shuhara Matsue se pavanait dans les couloirs tel un roi, le genre de comportement que Ryutaro supportait difficilement, et aussi la raison pour laquelle il avait bien envie de le remettre à sa place. Les « fils à papa » comme il les appelait n'avaient jamais été ça tasse de thé, et encore moins lorsque la bêtise était leur principal atout de charme.

« Alors gamin, ils sont mignons tes caleçons ! C'est ta maman qui te les a acheté ? » interrogea-t-il en s'emparant d'un dessous de sa cible. « Mais dis moi, t’as pas honte de porter ça ? Moi à ta place, il y a longtemps que je m’en serais débarrassé. » continua-t-il tout en sortant un couteau suisse de sa poche. La laverie était désormais vide, et c'était tant mieux s'il ne voulait pas avoir d'ennui. Le règlement intérieur de l'école précisait bien qu'aucun élève ne devait porter d'arme blanche sur lui, mais il gardait toujours cette petite chose sur lui, « au cas où ». « Regarde les bien, parce que t’es pas prêt de les revoir. » A ces paroles, il éjecta une fine lame du couteau suisse et prit plaisir à sabotter les sous-vêtements du jeune musicien. « Quel dommage, de si beaux caleçons… »

« Si tu veux pas avoir d'ennuis, je te conseille de garder ça pour toi. » Il marqua une pause, hésitant. Jusqu'à présent, Ryutaro n'avait jamais menacé personne, et moins pour s'amuser comme il voulait le faire aujourd'hui. *Allez vas-y, t'es lancé maintenant* « Je ne pense pas que tu aimerais te retrouver à la place de tes caleçons, si ? Tu veux peut-être un petit aperçu ? »