Lessive nocturne [libre]

Ah, la laverie… un endroit généralement calme, où l’on pouvait discuter tranquillement sans que personne n’entende, le vrombissement des machines couvrant le bruit des voix. Parmi tous les lieux de Kyôgaku, c’était le préféré d’Akito. Ses meilleures aventures, il les avait consommées dans cet endroit, à l’abri des regards. La plupart des étudiants venait rarement ici, à part quand ils n’avaient plus rien de propre à porter. Akito, lui, venait tous les deux jours environ. S’il y avait une chose de remarquable chez lui, c’est qu’il pouvait laisser sa chambre devenir un souk pendant plusieurs mois, mais il était hors de question pour lui de porter la même chemise deux jours de suite. Il était d’une propreté surprenante lorsque cela concernait son image, mais restait totalement bordélique pour le reste.
Mais Akito n’y allait pas n’importe quand : il allait à la laverie généralement entre 23h et minuit, lorsque les autres étudiants roupillaient ou passaient le temps dans leur chambre. Il n’appréciait pas trop qu’on puisse le surprendre en train de faire sa lessive. Non seulement cela nuirait à son image de Casanova négligent mais toujours propre sur lui, mais c’était surtout un moment qu’il se réservait, où il pouvait fuir le tumulte de l’école et de sa « vie nocturne ». C’était une habitude qu’il avait prise, son petit rituel privé.

Aujourd’hui, c’était donc pour le jeune homme le jour de la lessive. Pris d’une petite faim, il piocha au fond de son bazar une douceur au chocolat qui y traînait et, muni de son panier et de sa lessive personnelle, il se dirigea vers la laverie. Sifflotant, la tête dans les nuages, le bâton chocolaté dans la bouche, il ne regardait pas vraiment où il marchait. Arrivé devant la porte, il loupa magistralement son virage pour rentrer, et son épaule droite percuta violemment le mur. Ses yeux s’agrandirent et, sous l’effet de la surprise et de la douleur, il ouvrit la bouche, laissant le bâton de chocolat venir s’écraser par terre après un beau slide sur sa chemise. Une grimace de douleur déforma son joli minois, et il dût se retenir pour ne pas laisser échapper une exclamation. Il entra précipitamment dans la salle et laissa tomber son panier par terre, avant de s’écrouler sur l’un des bancs qui se trouvaient au milieu. En se frottant l’épaule, il contempla avec ennui la tâche marron qui ornait désormais sa chemise, et soupira. Quel maladroit il faisait ! Maintenant, il allait aussi devoir nettoyer par terre… mais ce n’était pas le plus urgent. Il fallait déjà qu’il s’occupe de cette chemise. Pour tout dire, Akito était légèrement paresseux sur les bords, et l’idée de remonter dans son dortoir chercher un vêtement de rechange ne l’enchantait guère. Après tout, il pouvait toujours la mettre à laver maintenant, il était seul dans la pièce, il ne choquerait personne s’il se retrouvait torse nu. Et puis même si c’était le cas… il s’en moquait totalement. Ce n’était pas comme s’il complexait sur ses abdos non plus.
C’était donc décidé. Le jeune homme déboutonna rapidement sa chemise, la jeta dans le panier, et alla vider ce dernier dans l’une des machines libres. Prenant la bouteille de lessive, il enleva le bouchon doseur de cette dernière, et versa avec précaution le liquide dans ce même bouchon. Après avoir vidé ce dernier dans la machine, il put fermer cette dernière, l’enclencher, et il ne lui restait plus qu’à attendre.

De nouveau assis sur le banc, Akito frissonna, non pas à cause du froid, mais surtout à l’idée qu’il allait devoir nettoyer la tâche de chocolat qui s’agrandissait lentement à l’entrée de la pièce. En soupirant, il se leva, fouilla dans ses poches pour y trouver un mouchoir qui y restait, et se dirigea vers le bâtonnet qui continuait de fondre. Après avoir ramassé ce dernier et l’avoir jeté dans la poubelle de la pièce, il se baissa, et frotta avec ennui le sol pour essuyer le chocolat qui s’y trouvait, en espérant de manière plus ou moins inconsciente que personne n’aurait l’idée saugrenue de venir ici maintenant…